Vautrait du Point du Jour
(1828 - 1879)
Maître(s) d'équipage | Marquis de Beaucaire (1828 - 1879) |
Territoires | Forêt de Tronçais, Forêt de Lespinasse, Forêt de Bagnolet |
Devise(s) | Rallie Bourbonnais. |
Fanfare(s) | La Tronçais |
Historique | Ce vautrait tient son beau nom du château bourbonnais du Point du Jour, propriété du maître d’équipage, Joseph de Beaucaire. La bâtisse est sise sur la commune de Cérilly, en bordure de la forêt de Tronçais. M. de Beaucaire repose lui, depuis 1879, dans le vieux cimetière de la petite bourgade. Cet ultime sommeil est bien mérité car notre veneur de sanglier mena une existence trépidante. Son équipage – tenue bleu de ciel galonnée d'or puis bleue, parements noirs et gilet grenat – eut plusieurs adresses, disséminées entre le nord de l’Allier et le sud du Cher. On le trouve successivement installé au château de la Pommeraye puis au lieu-dit Bardais, au Point du Jour, vers 1850, et à Liénesse, dans le Cher, au bord des eaux étales et paisibles du canal de Berry.
Le château de Pommeraiy - Tiré de l'ouvrage Deux Siècles de Vènerie à travers la France - H. Tremblot de la Croix et B. Tollu (1988)
Joseph de Beaucaire était louvetier pour l’arrondissement de Montluçon. Cette tâche le destinait donc à la vènerie du loup et surtout du sanglier en forêts de Tronçais, de Bagnolet, de Lespinasse ou de Meillant. Il prendra à l’occasion quelques chevreuils et cerfs. Le marquis courrait le sanglier avec une belle meute de bâtards vendéens qu’il composait avec les 85 ou 90 chiens qui se trouvaient au chenil. Après 1860, le sang anglais aura sa préférence. La Feuille, Merlot et Barlou servaient les chiens du Point du Jour.
Force de la nature, le marquis de Beaucaire fut un chasseur frénétique. Mille anecdotes courent à son sujet. Le portrait qu’elles dressent en filigrane n’est d’ailleurs pas forcément flatteur : le marquis n’avait pas un caractère facile. Ceux qui l’ont côtoyé évoqueront une personnalité singulière, fuyant son milieu car s’y sentant peu à l’aise puisque n’ayant pas une culture de salon. Il est décrit comme capricieux, susceptible, orgueilleux ou mauvais camarade. À la chasse, le marquis est un exalté. Un jour de décembre, alors que l’étang de Saloup est pris par une fine couche de glace, le formidable cavalier traverse au galop l’étendue gelée. Du reste, il manquera se noyer plusieurs fois en voulant franchir des cours d’eau à cheval pendant les chasses.
Sur son visage, cerclé d’imposants favoris, apparaîtront des cicatrices nombreuses et éparses tant il aimait rentrer avec furie dans les ronciers à sangliers. En 1854, encore dans la force de l’âge, notre marquis vient seul à bout d’un vieux solitaire tenant les abois dans les sables mouvants d’une fondrière, en bordure d’un étang de Tronçais. La boue submerge les chiens, le sanglier et les hommes. Joseph de Beaucaire sortira vainqueur de la bataille : noir de boue des pieds à la tête, sa tenue en lambeau.
A l’image de son propriétaire, Givredy, chien de la meute du Point du Jour, multipliera les exploits. Cet animal avait plutôt l’allure d’un petit chien de ferme. Il dépareillait totalement avec les beaux Vendéens de M. de Beaucaire (Rusto, Commandeur, Gouverneur...). Acheté à des braconniers pour les priver d’un bon rapprocheur, Givredy se montra, dès sa première véritable chasse, un époustouflant chien de sanglier.
Si bien que, lorsque le marquis de Beaucaire vendit sa meute à Onésime Aguado, il conserva deux chiens parmi lesquels Givredy. Lorsqu’un équipage fut ensuite remonté, ce chien singulier et de fort caractère fut même le principal artisan des succès cynégétiques du marquis.
A propos du chien Givredy, extrait de la revue Vènerie, septembre 2021 :
À l’ombre des solides chênes centenaires, nous attend un chien hors du commun. Notre hôte bourbonnais est un chien de ferme, au pédigrée mystérieux et mal établi. Ce bâtard, issu de croisements inconnus, fut appelé Givredy. Certes, il est bien un chien courant, de taille moyenne, mais son apparence et surtout son histoire en font un animal unique (...).
Nous sommes dans la deuxième moitié du XIXe siècle, entre 1865 et 1870. À Saint-Bonnet-Le-Désert (qu’on appellera plus avantageusement Saint-Bonnet-Tronçais à partir 1893), un éleveur fait paître ses moutons en bordure de la forêt. Pour aider les journaliers qui font office de bergers, il leur a adjoint quelques bâtards. Ils sont sans valeur marchande. On ignore leur provenance.
Nous nous retrouvons dans un pays de vènerie puisque le quadrilatère formé par les communes de Saint-Bonnet, Meaulne-Vitray, Urçay et Braize a abrité de nombreux équipages : celui de Léon Collas, qui ne voulait chasser que des grands sangliers ; celui d’André Morel, monté à l’anglaise et installé à la célèbre Pacaudière ; l’Équipage de Bellevue, peint par Princeteau ; plus récemment le Rallye L’Aumance ou le Vautrait de Banassat, etc.
Nos bergers sont un peu chasseurs. Parmi les chiens qui les accompagnent – et leur permettent d’attaquer les sangliers qui menacent leurs champs – Givredy est le plus investi, le plus performant. Aussi, les braconniers de la région prennent pour habitude de l’attirer à eux et de le faire chasser. Le succès est insolent de Givredy fait jaser. Un veneur fameux se vexe, qui découple en Tronçais au même moment. C’est Joseph de Beaucaire. Lui qui entretient une meute magnifique où l’on trouve d’élégants bâtards vendéens se voit chaparder ses sangliers par un chien de ferme à l’allure misérable.
Le marquis de Beaucaire, furieux, acheta Givredy pour 60 francs au fermier qui était encore considéré comme son propriétaire légal. Selon l'écrivain Paul Barreyre, le marquis n’avait pas l’intention de faire chasser son acquisition. Arrêtons-nous un instant pour évoquer le Vautrait du Point du Jour – du nom du château dont les communs hébergeaient la meute de M. de Beaucaire. C’était un très bel équipage. On chassait à Tronçais et en forêts de Bagnolet, Lespinasse et Meillant. La tenue était bleue, parements noirs. Le bouton était celui du Rallie Bourbonnais.
Le marquis était une force de la nature, un homme au caractère difficile, un exalté à la chasse. Il était aussi musicien, virtuose de la musette. L’instruction classique lui faisait défaut et on a dit qu’il ne savait pas lire. Il préférait les bois, les larges tablées de buvants chasseurs et les fêtes de village plutôt que les dorures des salons que son milieu social aurait dû le pousser à fréquenter. Il se sentait mal à l’aise parmi ses semblables. On entend bien souvent que les maîtres d’équipage bâtissent des meutes qui leur ressemblent : en intégrant ce drôle de zig qu’était Givredy à sa meute de vendéens, Joseph de Beaucaire faisait entrer un animal rôdé aux mœurs frustes et rustiques des chiens de ferme dans un collectif homogène et sophistiqué de 90 chiens d’ordre. Un va-nu- pieds canin au sein d’une aristocratie canine.
La meute de Joseph de Beaucaire comptait quelques sujets magnifiques : Timpano, grand chien de change, Commandeur et Gouverneur, deux frères aux noms forçant le respect et qui rivalisaient d’élégance, ou Rusto, 70 centimètres au garrot, le plus beau de tous. Les contemporains racontèrent que lorsqu’il se dressait sur ses pattes arrière pour réclamer au marquis sa caresse, notre animal dépassait en hauteur son propriétaire, qui était pourtant un homme athlétique. Givredy mesurait 20 centimètres de moins que Rusto.
Un jour de grande chasse à Font Begault au sud de Saint-Bonnet, le marquis voulut savoir si la réputation de son acquisition n’était pas usurpée. À contrecœur, M. de Beaucaire, qui n’aimait que les très beaux chiens, mêla Givredy – qu’il appelait avec grand mépris « cette horreur » – à cinquante de ses meilleurs vendéens. Un solide quartanier fut attaqué qui se fit longuement battre dans un terrain détrempé, à l’ombre des chênes, des houx et des ronciers hostiles. Les cavaliers ne purent suivre la chasse qu’à l’oreille. Pour voir passer l’animal, tous se mirent à un rond-point. Seul Givredy parvenait à emmener son sanglier qu’il aboyait seul de sa voix singulière et reconnaissable par tous. Poussé au ferme par notre héros bientôt rejoint par ses illustres camarades, notre quartanier sera tiré par Joseph de Beaucaire, soucieux de préserver ses chiens.
Givredy fera par la suite une telle carrière auprès de l’Équipage du Point du Jour que M. de Beaucaire le gardera pour lui (avec Timpano) lorsqu’il vendit sa meute au très fortuné Onésime Aguado en 1870. Acheté uniquement pour priver les braconniers bourbonnais d’un bon rapprocheur, Givredy aura finalement été le chien le plus célèbre du marquis de Beaucaire. Notre chien de ferme, devenu légende de Tronçais, mourut au champ d’honneur, touché par le ricochet d’une balle, alors qu’il aboyait un grand solitaire.
Il existe au nord-ouest de la forêt de Tronçais, la ligne de Giverdy [sic], qui sépare la corne de Rolais et la corne de Valigny, et juste à l'ouest une bel bâtisse, bien rénovée et dénommée Givredy. Là se trouvent très certainement les origines de notre extraordinaire chien de sanglier.
(Textes rédigés par Gaspar Soulat - revue Vènerie de septembre 2021 et supplément au numéro 218 de la revue Vènerie)
Autres noms usuels : Equipage du Point du Jour, Equipage du marquis de Beaucaire, Vautrait du marquis de Beaucaire. |
Race(s) de chiens | Bâtard Anglo-Vendéen |
Anglais | |
Chenil | Le Point du Jour 03350 Cérilly |